La chambre sociale de la Cour de cassation a pu juger, dans un arrêt du 8 septembre 2021, que le recours systématique à des heures supplémentaires modifie la durée du travail et constitue donc une modification du contrat de travail subordonnée à l’accord du salarié.
1- Quelques fondamentaux : modification du contrat de travail ou simple changement des conditions de travail ?
Il convient d’opérer une distinction entre :
- La modification du contrat de travail. Il s’agit d’une modification d’un élément qui a été déterminant pour la conclusion du contrat, par nature ou par la volonté des parties. L’accord du salarié est alors nécessaire.
- Le changement des conditions de travail par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction lequel s’impose au salarié (sauf s’il est protégé). Ce dernier ne peut pas la refuser sous peine de commettre une faute.
Tout l’enjeu de la distinction repose sur le fait que l’employeur ne peut jamais imposer au salarié la modification de son contrat, peu important que celle-ci soit plus avantageuse pour lui. L’accord du salarié est toujours obligatoire et son refus de la modification ne peut pas constituer une faute.
Mais qu’en est-il en cas de réalisation d’heures supplémentaires ?
En principe, les heures supplémentaires constituent l’exécution du contrat de travail, relevant du pouvoir de direction de l’employeur.
Les heures supplémentaires imposées par l’employeur dans la limite du contingent dont il dispose légalement et en raison des nécessités de l’entreprise ne constituent donc pas une modification du contrat de travail.
En conséquence de quoi, le refus du salarié de les effectuer, sans motif légitime, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, voire une faute grave.
2- Le pouvoir unilatéral de l’employeur a toutefois une limite : le recours systématique aux heures supplémentaires !
Pour illustrer ces propos, un rapide retour sur les faits de l’espèce s’impose.
Au cas particulier, l’employeur imposait à un salarié d’effectuer 50 minutes supplémentaires par jour. La durée du travail de l’intéressé était alors portée de 35 heures prévues au contrat de travail à 39 heures. Le salarié refuse et quitte son travail à l’heure initialement convenue. Après plusieurs avertissements et une mise à pied disciplinaire, il est licencié pour faute grave, l’employeur lui reprochant de ne pas respecter l’horaire collectif de travail.
La position de la Cour de cassation est tout autre …
Elle considère en effet que le caractère systématique du recours aux heures supplémentaires modifiait le contrat de travail de l’intéressé en portant sa durée hebdomadaire de travail de 35 à 39 heures.
Or, la durée du travail telle qu’elle est mentionnée au contrat de travail, constitue, en principe, un élément du contrat qui ne peut être modifié sans l’accord du salarié.
Il résulte de cette constatation que :
- D’une part, la société ne pouvait valablement augmenter la durée hebdomadaire de travail du salarié qu’avec son accord exprès ;
- D’autre part, le refus du salarié d’une telle modification ne pouvait être considéré comme fautif.
Reste à savoir ce qui constitue un recours « systématique » ou pas aux heures supplémentaires …
Cass. soc. 8 septembre 2021, n° 19-16.908